Retable d’Issenheim – Mathias Grünewald

A la Saint Jean, le 24 juin, se déroulent les traditionnels « feux » du solstice d’été. C’est le moment où les jours commencent à décroître, tandis qu’à la naissance de Jésus, célébrée au solstice d’hiver, les jours croissent à nouveau. Un parallèle qu’on retrouve dans les évangiles : « Il faut qu’il [Jésus] croisse et que moi [Jean] je diminue » dit Jean-Baptiste (Jn 3,30). Le cycle du temps et le projet de Dieu se rejoignent.

Jean-Baptiste en témoigne : son nom hébreu « Yohanan » signifie « grâce de Dieu » et c’est Gabriel lui-même qui annonce sa naissance providentielle au futur père, Zacharie. Celui-ci, incrédule, est frappé de mutisme: «On demandait par signes au père comment il voulait l’appeler. Il se fit donner une tablette sur laquelle il écrivit : “Jean est son nom”(Lc 1,57-66). Zacharie retrouve la parole. La naissance de Jean-Baptiste « libère » la parole ! La sienne brûle comme un charbon ardent: « Je suis la voix de celui qui crie dans le désert : Redressez le chemin du Seigneur, comme a dit le prophète Isaïe” (Jn 1, 6-8). Jean-Baptiste approche de Jésus sans l’être : il donne de la voix et prépare la voie à celui « que vous ne connaissez pas, qui vient après moi ».

Tableau de Simon Vouet

Les peintres le représentent  souvent enfant, complice de Jésus, le roseau à croix en main, près de l’agneau pascal, ou en prédicateur du désert : sur le tableau de Jérôme Bosch, il médite dans un désert fantastique et inquiétant, le regard songeur posé sur l’agneau. Jean-Baptiste est le dernier des prophètes. Le doigt pointé vers le ciel, il appelle à la conversion, à la charité, à la paix, et à la repentance par immersion dans les eaux du Jourdain. Face à Jésus, il intronise le baptême « je ne suis pas digne de délier la courroie de sa sandale. » Le plus grand, mais le plus humble.  Souvent de l’index, il désigne Jésus, « l’agneau de Dieu », comme sur le retable de Mathias Grünewald.

Léonard de Vinci accentue lui aussi ce geste, mais son image d’un Jean-Baptiste jeune et imberbe est loin de l’ascète émacié au discours ardent. C’est un aimable messager qui annonce Jésus et la rédemption d’un geste et d’un sourire. L’évangile de Jean dit :« Cet homme n’était pas la Lumière, mais il était là pour rendre témoignage à la Lumière.» (Prologue de Saint-Jean 6-7) Léonard de Vinci, par son subtile dégradé d’ombre et de lumière, suggère l’effacement du dernier prophète dans l’ombre pour laisser place à la vraie lumière du Christ. Laurence